Comment faire son deuil lorsqu'il n'y a pas de corps à enterrer?

Il arrive, parfois, que le corps du défunt ne puisse pas être ramené auprès de sa famille pour être enterré ou incinéré. Cela peut s’expliquer par une disparition, par un accident dans une zone difficile d’accès ou par la destruction presque totale du corps, par exemple. Dans ce cas là, une partie fondamentale et intégrante du deuil passe à la trappe puisqu’il est très difficile d’intégrer la perte du proche aimé sans voir si ce n’est un corps, au moins un cercueil ou une urne.

Inconsciemment et involontairement, on ne peut s’empêcher de se demander “et si il/elle était encore vivant-e?”, puisqu’il n’y a rien ou pas grand chose pour prouver le contraire. C’est là que le rituel joue un rôle important : il met un point final au déni et entame la guérison qui s’ensuit.

Une fois que l’annonce du décès a été faite, il est temps pour les proches de procéder à une cérémonie ou à un rituel (c’est à dire un évènement spécial qui se démarque du quotidien par l’intention qu’on met derrière et qui permet de marquer, de célébrer ou d’honorer la fin d’une phase ou le début d’une autre). L’avantage du rituel, c’est qu’il n’est pas nécessairement religieux ou spirituel, qu’il peut s’accorder aux valeurs de la famille ou de la personne décédée et qu’il n’y a pas de règles particulières à respecter lorsqu’on le prépare.

Je vous propose néanmoins quelques conseils pour vous aider à préparer le vôtre :

• Aspect temporel

  • Il est important de ne pas attendre trop longtemps après le décès pour assister à une cérémonie, peu importe sa taille ou sa complexité. Puisque le corps du défunt n’est pas présent, le rythme du deuil au sens traditionnel est bousculé et chamboulé. Les funérailles n’auront peut être pas lieu comme on l’aurait souhaité, on ne peut pas se recueillir auprès du défunt dans un salon funéraire et il n'y ni urne ni cercueil. Dans ce cas là, on peut tout à fait remplacer les funérailles traditionnelles par quelque chose de plus flexible tout en tenant compte du fait que plus on attend, plus le deuil se fera difficilement puisqu’il n’y aura pas eu de “marqueur” symbolique d'un "avant/après" le décès. C’est comme si on ouvrait les parenthèses sans jamais les fermer. Cela peut provoquer un sentiment d’attente constante, d’anxiété, d’hypervigilence.
    

• Aspect spatial :

  • Après avoir ancré l’évènement dans le temps, il faut aussi l’ancrer dans l’espace. Cela permet de réunir les proches de la personne décédée et surtout de créer un lieu de recueillement par la suite. En nature, dans un édifice religieux, dans un lieu apprécié ou symbolique ou simplement dans le salon familial. L’important, c’est simplement de se retrouver pour honorer la mémoire du proche disparu.
    

• Aspect communautaire :

  • Les funérailles sont historiquement importantes puisqu’elles rassemblent les communautés au moment d’un décès. C’est une façon de dire ces derniers adieux ensemble et surtout de témoigner du tissu social qui nous entoure. Profitez-en pour vous entourer, vous retrouver avec ceux qui ont aimé votre proche. Partagez des souvenirs, lisez des textes ou des poèmes, écoutez de la musique ou chantez, mais faites-le ensemble. Même si cela peut paraître difficile, laissez-vous aller à la tristesse et aux larmes. C’est une façon d’évacuer toutes les émotions qui nous envahissent.

Un exemple de rituel pour Monsieur G, disparu en mer après un accident de bateau :

• Dans la semaine qui suit l’accident, la famille organise une cérémonie funéraire pour honorer la mémoire de Monsieur G. Ils invitent les proches et les amis à se réunir sur une plage qu’il affectionnait tout particulièrement. Ainsi, même sans avoir retrouvé son corps, ils se sentent plus proches de lui et rendent hommage à sa passion : le bateau à voile.

• Son épouse et ses enfants font la lecture d’extraits de textes de ses auteurs préférés. On écoute un morceau de musique qu’il écoutait avec plaisir. Ceux qui le souhaitent ont préparé un petit discours de quelques minutes pour éveiller des souvenirs de lui. Puis chacun jette une fleur à l’eau, en ayant une pensée pour Monsieur G. Les invités et la famille partagent un repas pour consolider les liens après la perte.

• Une fois rentrés chez eux, les membres de la famille proche réunissent quelques objets symboliques dans une boîte et/ou collent quelques photos dans un album. Les objets sont laissés à portée de tous, en tout temps. Une bougie éclaire la douleur des proches aimants et leur rappelle que l’amour transcende le domaine du physique - à sa façon Monsieur G est encore là.

  
  

N’oubliez pas de personnaliser un minimum le rituel que vous allez mettre sur pied. C’est autant une façon de faire revivre le souvenir du défunt que de revisiter votre lien avec lui. Vous l’avez connu et aimé, et malgré sa disparition et l’absence du corps, les expériences que vous avez partagées continueront de le faire vivre dans votre coeur.

Avec toute ma tendresse,

Eliza

*P.s : Comme je le dis toujours, les deuils sont aussi nombreux et divers que les personnes endeuillées. Chacun fait comme il veut et peut! Si vous vivez un deuil très handicappant, je vous invite fortement à contacter un thérapeute.